Joyeuses fêtes de Pâques !
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La fête de Pâques / Ostern / Easter
Tandis que Pâques (Pasqua, Pascua) vient du nom de la fête juive de Pessa’h,
pendant laquelle les Evangiles situent la passion du Christ, le nom Ostern (anglosaxon Easter) vient de l’ancienne racine indoeuropéenne désignant l’aurore et apparentée au point cardinal Est (Osten, anglo-saxon East). Ce nom se réfère aux fêtes païennes du Printemps (la Pâque juive est d’ailleurs fixée à la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps et remonte aussi à des rites agricoles anciens).
La tradition du Lièvre de Pâques (Osterhase) qui apporte des oeufs colorés aux enfants est décrite dès le 17ème siècle dans les pays germaniques du Sud dont l’Alsace, elle s’est ensuite répandue dans tous les pays germaniques et aux Etats-Unis avec l’immigration allemande. Chez les anglo-saxons le Easter hare (lièvre de Pâques) est devenu un Easter bunny (lapin de Pâques) plus mignon, ce qui fait qu’il est maintenant connu comme un lapin dans les pays latins…
Mais c’est bien un lièvre ! Car au printemps ce sont les lièvres si discrets d’habitude que l’on voit courir les champs à la recherche de partenaires, tandis que les poules se remettent à pondre. Les oeufs et les lièvres sont pour cela des symboles de fertilité et de renouveau depuis des temps immémoriaux. Au Moyen-Âge à la fin du carême (les quarante jours de jeûne avant Pâques) il y avait des stocks d’oeufs non utilisés, on mangeait donc beaucoup d’oeufs à Pâques, souvent après les avoir décorés, généralement simplement colorés avec des colorants naturels (cuits avec des pelures d’oignons, des raves rouges, des épinards etc.) voire richement décorés comme dans les pays de l’Est.
Dans tous les pays germaniques du Sud, Alsace, Bavière, Autriche, mais aussi dans les Balkans, en Grèce et jusqu’en Russie, il y avait à Pâques des batailles d’oeufs (Eierpicke en alsacien, avec une variété infinie de dénominations d’une région à l’autre) que pratiquaient enfants et jeunes gens : c’étaient des duels aux règles bien précises où l’on frappait l’un contre l’autre 2 oeufs durs jusqu’à ce que l’un d’eux se casse, car c’est une loi physique qu’un seul oeuf finit par casser ; le gagnant, dont l’oeuf ne s’était pas brisé, gagnait l’oeuf brisé de son concurrent, et continuait le tournoi avec un autre adversaire.
Ce jeu cité depuis le 15ème siècle en Alsace n’est resté vivant à ma connaissance que dans quelques régions (Autriche, Grèce). Il se pratiquait en compétitions publiques à Strasbourg sur la Place Gutenberg jusqu'en 1914, où la pénurie d'oeufs de la guerre donna le coup de grâce à cette manifestation 1. Je l’ai un temps relancé avec Ritte Ritte Ross, en l’améliorant pour les tout-petits : les perdants, qui étaient tellement désolés de voir leur oeuf cassé, recevaient un petit oeuf en chocolat comme lot de consolation, et le gagnant du tournoi était récompensé par un énorme oeuf en chocolat. Ensuite on mangeait de la salade d’oeufs durs dans les familles…
(1) Joseph Lefftz, Elsässisches Volksleben im Osterfrühling, 1974