Les agriculteurs-viticulteurs expropriés gagnent leur procès
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Future ZAI du Fehrel à Rosheim : la déclaration d’utilité publique est annulée, néanmoins, les travaux de viabilisation ont continué
À Rosheim, les agriculteurs et viticulteurs ont obtenu l’annulation définitive de la déclaration d’utilité publique (DUP) visant à les exproprier en vue de construire une zone artisanale et industrielle (ZAI) de 19,5 ha. Les travaux de viabilisation sur le site se sont néanmoins poursuivis.
En juillet 2008, la Communauté de communes des Portes de Rosheim (CCPR) lance un projet de ZAI (Zone d’activités intercommunale) de 19,5 ha sur les terres particulièrement fertiles du Fehrel à Rosheim.
Dix exploitations agricoles et viticoles sont concernées. Deux d’entre elles, les plus petites, sont amputées de plus de 10 % de leur Surface agricole utile (SAU).
En mai 2016, la déclaration d’utilité publique (DUP) a été confirmée par le préfet du Bas-Rhin. S’en sont suivies une mise en compatibilité du Plan local d’urbanisme (PLU) et une ordonnance d’expropriation en septembre de la même année. Cependant, dès le mois d’août 2016, les agriculteurs ont contesté l’utilité publique et l’expropriation devant le tribunal administratif de Strasbourg. Ils ont finalement obtenu gain de cause.
Déjà 11 ZAI dans un rayon de 5 km
En janvier 2018, le dispositif préfectoral de DUP a été annulé. Les juges du tribunal administratif à Strasbourg ont finalement considéré que « l’opération envisagée pouvait être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation » ; et ont conclu à l’absence d’utilité publique, vu « la trentaine de zones artisanales, commerciales… déjà recensées sur le Piémont des Vosges », précise le jugement, dont 11 dans un rayon de moins de 5 km autour de Rosheim.
Le 28 mars 2019, la cour administrative d’appel de Nancy a confirmé l’annulation de la DUP, mais pour un motif différent… Les agriculteurs-viticulteurs avaient invoqué plusieurs arguments et contesté les conclusions du commissaire enquêteur « insuffisamment motivées », et observé des irrégularités de la procédure d’enquête publique, notamment l’absence d’information d’une visite du commissaire enquêteur, portant ainsi atteinte au caractère contradictoire de l’enquête.
Des équilibres d’exploitation compromis
Enfin et surtout, ils ont fait observer que les prélèvements de surfaces agricoles sont de nature à compromettre l’équilibre de leurs exploitations. Et c’est surtout la question de l’insuffisance des mesures de compensations faites aux agriculteurs expropriés qui a retenu l’attention des juges. La cour a en effet fait observer que l’acte déclaratif d’utilité publique émanant de la préfecture aurait dû faire figurer «l’obligation faite au maître d’ouvrage de remédier aux dommages causés aux exploitations ». Et ce d’autant que la Chambre d’agriculture, plutôt favorable à un règlement amiable, avait notifié que certaines petites exploitations sont impactées à plus de 10 % de leur SAU. Un argument de poids semble-t-il.
Les agriculteurs toujours propriétaires de leurs terres
En mars 2020, le Conseil d’État n’a pas admis le pourvoi en cassation formulé par l’intercommunalité visant à casser le jugement d’appel. La DUP est donc irrégulière et par voie de conséquence l’ordonnance d’expropriation privée de base légale. Et pourtant, les travaux de viabilisation sur la zone du Fehrel se poursuivent… Les viticulteurs se trouvent donc face à une situation où ils seraient en théorie toujours propriétaires de leurs terres, malgré l’arrêté d’expropriation survenu le 21 septembre 2016. Mais le juge des expropriations du Bas-Rhin, qui avait demandé un sursis à statuer, n’a pas pour l’heure pas rendu son verdict.
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